#ChallengeAZ D comme... Dispense de consanguinité

Mercredi 4 Juin 2014

Le lundi 12 février 1776 est un jour très particulier pour la sœur de mon ancêtre Nicolas DAVID. En effet, Marie, née le 2 septembre 1751, se prépare à épouser Jean, Baptiste GUILLEMINAULT.
On pourrait s’attendre à une cérémonie tout à fait ordinaire, seulement voilà pour Marie et Jean Baptiste les choses sont un peu différentes, car Marie est une cousine issue de germains de Jean Baptiste.
 
Alors, pour pouvoir se marier, une seule solution : obtenir une dispense de consanguinité…
 
La dispense de consanguinité est un accord donné par un évêque pour un mariage entre cousins. En
droit canon, on compte le nombre de degrés qui séparent de l'ancêtre commun. Les dispenses du
deuxième degré sont accordées par le pape, les autres par les évêques.
 
Concernant Marie et Jean Baptiste, ils ont en communs leur arrières grand parent côté maternel.

 

Un dossier de dispense complet comporte :
- la « supplique » ou demande du curé des futurs (noms, prénoms professions et domiciles des
"supplicants", la nature et le degré de l'empêchement, et pour les cas d'affinité et de consanguinité,
un tableau de cousinage où figurent les ascendants de la lignée menant à l'ancêtre commun) ;
- l'enquête comporte les témoignages des futurs époux, de deux témoins de la famille et de deux
témoins pris en dehors de la famille ;
- l’accord de l’évêque.
 
Grace à l’entraide du forum Généanet, j’ai pu comprendre la totalité de cette dispense. En voilà une partie :



"A dit s'appeller Jean Baptiste GUILLEMINAULT, garçon mineur agé de vingt
trois ans, fils de Martin GUILLEMINAULT et de Marie Madelaine AUGER ses pere et
mere, proceddant sous leur authorité, iceluy journallier demeurant en la paroisse de
Vaujours.

"Enquis quel empechement les oblige à demander dispense
a dit qu'ils sont parens du trois au troisieme degré de consanguinité suivant la
genealogie cy dessous qu'il affirme véritable.

                                                                                      N. GUILLEMINAULT
1. Genevieve GUILLEMINAULT, femme de Christophe AUGER                1. Claude GUILLEMINAULT
2. Marie Madeleine AUGER, femme Martin GUILLEMINAULT                     2. Genevieve GUILLEMINAULT, femme de Nicolas DAVID
3. Jean Baptiste GUILLEMINAULT, supliant                                                    3. Marie DAVID, supliante.

"Enquis quelle raison les oblige à contracter ce mariage.
A dit qu'ils se sont promis la foy de mariage et se recherchent dans cette vuë depuis
un an, que la supliante est agé de plus de vingt quatre ans et n'a jusqu'à present
trouvé aucun party sortable, joint la petitesse du lieu qui ne permet point
aux habitans de trouver à s'y marier sans quelques empechemens etant presque

tous parens ou alliés."
 
"A dit qu'etant pauvre et ne vivant que de leur travail et
industrie, ils sont hors d'estat de faire les frais de Cour de
Rome.


Toujours grâce au forum, et notamment grâce à Christian Verdier, j’ai appris que les canonistes et les théologiens estiment qu’il y a 7 raisons recevables à une telle demande :
 
1)  « ob angustiam loci »(en raison de l’étroitesse du lieu  (  angustia loci  = étroitesse du lieu . L’expression fait références  à la faible étendue de la paroisse, et par conséquent  au petit nombre d’habitants. La future  fait valoir que dans sa paroisse ou les paroisses voisines (dont la population n’excède pas , en gros, 300 habitants -  chiffre donné de mémoire ) elle a peu de chance de trouver un mari qui n’ait avec elle aucun lien de consanguinité ou affinité  et qui lui soit assorti (= du même statu/rang  social) .  Si donc un parent la demande en mariage, lui refuser cette dispense  serait la priver d’une chance de se marier.
Rem : Cet argument n’a, bien entendu, de valeur qu’à une époque où on se déplaçait peu et mal, et où on trouvait généralement son conjoint dans la paroisse ou les environs, si bien que bon nombre  d’ habitants d’une paroisse ( du moins les paroisses rurales)  avaient entre eux quelque lien de parenté ou affinité.

2)  « ob incompetentiam dotis »( incompetentia dotis = incapacité de dot). La fille expose qu’en raison de la pauvreté de sa famille, elle ne dispose pas de dot et pour cette raison n’a pas trouvé un homme qui veuille l’épouser ; seul UNTEL, son parent, accepte de l’épouser malgré sa pauvreté. Lui refuser la dispense reviendrait à la priver de tout espoir de mariage.
On rencontre aussi dans ce sens l’expression « ob paupertatem » (pour raison de pauvreté)

3)  « vidua filiis gravata » (=veuve lourdement chargée d’enfants).  Cet argument n’est bien évidemment adapté qu’à une veuve avec enfants.  Seul un remariage lui permettra de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Si UNTEL, son parent, accepte  de l’épouser, éventuellement  en reprenant l’activité du mari défunt (exploitation agricole, atelier d’artisan, commerce, etc.)  lui refuser ce mariage serait prendre le risque de la plonger, elle et ses enfants,  dans les plus grandes difficultés.

4)   " pro oratrice excedente vigesimum quartum annum” (= en raison du fait que la suppliante a passé l’âge de 24 ans). On estimait,  à l’époque, qu’ au-delà de 24 ans  une femme voyait ses chances de se marier singulièrement réduites .   Si donc un de ses parents se propose de l’épouser, il est raisonnable de lui accorder la dispense, car c’est peut-être sa dernière chance de se marier


5)  La « violence de la passion ». Cet argument est utilisable lorsque les parties, qui ont entre eux un  lien de parenté / affinité,  vivent déjà ensemble en raison d’une passion mutuelle;  seul le mariage peut mettre fin au scandale et réparer l’honneur de la fille.
Une variante possible : les parties ne vivent pas encore ensemble, mais la passion qu’ils éprouvent l’un pour l’autre est si forte et les occasions de se rencontrer sont si nombreuses, que  le danger de succomber à la tentation est extrême; il faut donc leur  permette de se marier.

6)   présence d’hérétiques cachés : cet argument pouvait être utilisé dans les régions où le protestantisme avait marqué des progrès.  Les hérétiques sont nombreux, mais ils se cachent.  Ils ne sont pas toujours connus et reconnus pour tels. Le risque est donc grand d’épouser, malgré soi / à son insu, l’ un d’eux.  Celui qu’on envisage d’épouser  bien qu’ayant un lien de parenté/affinité, présente la garantie d’être bon catholique.
 
7)   Arguments réservés aux grandes familles : (pour les riches et puissants : princes, rois, etc.)
-terminer un procès considérable.
-conserver les biens dans une famille illustre.
-motifs touchant à la vie politique et aux relations internationales
 
Dans notre cas, les raisons 1, 2 et 4 sont invoquées. Mais il semblerait que les curés, qui aidaient à cette démarche, faisaient plus ou moins jouer les mêmes raisons.
 
Cependant, il est vrai que les familles GUILLEMINAULT étaient très présentes à Vaujours. J’ai pu le voir en parcourant le cimetière du village et mon père m’en beaucoup parlé.
 
Concernant la pauvreté, ce mot n’avait pas le même sens qu’on lui donne aujourd’hui. Une personne pauvre était une personne qui n’avait que son travail pour vivre, comme un agriculteur par exemple. Les pères des époux étaient tous les deux fruitiers, ils ne vivaient pas du travail d’autrui et étaient donc considérés comme pauvre.
 
Enfin, il est difficile, aujourd’hui, de considérer une femme de 24 ans comme étant vieille, au contraire, l’âge moyen d’une femme en France métropolitaine, en 2012 était d’environ 32 ans. Mais à l’époque, on considère qu’une femme de 24 ans avait moins de chances de se marier. Si par conséquent un parent acceptait de l’épouser, c’était pour elle une chance qu’elle ne pouvait pas laisser passer.
 
Mais pour l’heure, ne nous posons pas trop de question. Dans quelques minutes Marie apparaitra dans une robe blanche. Elle sera probablement au bras de mon lointain ancêtre, Nicolas, son père. Il y aura ensuite un repas, on dansera peut-être, pourquoi pas ?
Et on sera bien loin de se douter que dans plus de 230 ans, de lointain descendants reparleront de ce jour…





 

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